Femmes rondes ou grosses : un chemin de croix ?
La France est un pays curieux et souvent contradictoire. Ici contrairement au Québec, aux Etats-Unis ou dans de nombreux pays d’Afrique, on voue un véritable culte à la minceur. Un paradoxe au pays de la bonne chère et de la séduction.
Les femmes rondes et sexy qui sont légion sur les toiles de Maîtres au sein de nos musées seraient qualifiées d’obèses aujourd’hui, où l’on traque chaque marque de cellulite. D’ailleurs, c’est simple, depuis le sacro-saint et honni IMC, elles sont grosses. Ce stigmate-là devient pour certaines, une véritable infamie.
Dès la primaire, les fillettes se regardent et se jaugent et dès que vous ne faites pas partie des normes : trop ronde, trop grosse, déjà formée à 9 ans, vous commencez , à moins d’être très bien entourée et protégée, à craindre d’apercevoir votre reflet dans le miroir.
C’est qu’en règle générale, en France, il y a un véritable ostracisme contre la différence qui ne touche simplement pas que les ronds ou les gros d’ailleurs : trop intelligents, en situation en handicap d’une couleur de peau différente, et même les roux, atypiques, et c’est un parcours du combattant. Une particularité hexagonale dont on se passerait bien !
Il faut alors disposer d’une bonne dose d’estime de soi et d’une confiance en soi inébranlable pour laisser les critiques et les obstacles glisser sur votre peau comme sur les ailes d’un canard.
L’émission sur Troc Radio sur les femmes rondes : écoutez-là
D’après une récente étude publiée en France, 68% des hommes sondés aiment les femmes dites « rondes » taille 46/48. Très bien, mais où sont les chiffres concernant les femmes taille 50 et plus, celles qui sont catégorisées comme « grosses » ? Ne sont-elles même pas dignes d’être considérées comme « canons » ?
Sans chiffres officiels, on peut donc penser que du point de vue de la majorité des hommes, seules les femmes « rondes » et non « grosses » peuvent être considérées comme canons. (source ma grandetaille.com)
Les chiffres à propos des femmes rondes :
20,59% des Françaises font du 40, 16.7% du 42 … Le 44 arrive juste après avec 13,6%, suivi du 46 avec 9,1%, du 48 avec 6,7% et du 50 avec 4,9%.
Par conséquent, plus de 71.59 % des femmes en France portent des vêtements allant de 40 à 50, la France étant considérée comme le pays européen où l’on est le plus mince. Pourtant la taille le plus souvent montrée à l’écran, dans les publicités et sur le podiums équivaut à un 34/36. Allez comprendre !
Un témoignage édifiant : l’été où je suis devenue obèse : lire ici. A pleurer de tristesse et hurler d’indignation tant la bêtise des médecins est crasse.
On ne naît pas grosse, on le devient souvent surtout grâce à l’entourage (d’abord familial) puis on apprend à détester son image, son corps et enfin soi -même. On devient son poids et non plus un individu. Sans parler de la pression incessante des médias, fidèles reflets des stylistes, et de l’industrie de la Mode, qui n’aimant pas augmenter ses coût de revient, veut utiliser le moins de tissu possible…. CQFD à partir du 38, vous devenez pulpeuse (oui oui) et du 40, vous êtes grosse… Tout ceci pour une histoire de gros sous !
Alors inutile donc de parler de la majorité (les 2/3) qui poussent le bouchon à porter du 42 et des plus insensées encore du 50…. Je veux bien croire que l’obésité morbide est un facteur de santé publique mais ce n’est pas le cas de tout le monde. En revanche, on a fatalement poussé des milliers de personnes chez les nutritionnistes, … Et créé des centaines de milliers de complexées.
La mode des Plus Size
Heureusement, les mannequins grande taille (entendez les femmes qui font une taille 44 et plus) sont arrivées pour nous redonner un peu le sourire .
Qu’elles s’appellent Ashley Graham Tara Lyn ou Leticia Thomas ou Clémentine Desseaux la française, elles ont contribué à réconcilier des milliers de françaises avec leurs rondeurs et leurs poids.
Finalement les françaises ont fait bougé les marques avec leur porte-monnaie et celles-ci ont bien vu tout l’intérêt qu’il y avait à proposer des vêtements à partir de la taille 42. Mais ces derniers sont encore très onéreux.
Il faut se tourner vers les marques allemandes, anglo-saxonnes, africaines et italiennes pour trouver du prêt à porter accessible dès que l’on dépasse le 42.
Il ne suffit pas, en effet, d’agrandir les tailles 36 ou 40 de manière homothétique pour concevoir des vêtement grande taille. Les taille XL ou XXL voir XXXL sont souvent très mal coupés, ne prennent pas en compte la poitrine, les postérieurs callipyges par exemple…. Et l’on se retrouve facilement attifée plutôt qu’habillée lorsqu’on veut acheter une jolie robe.
« La faute à la disparition des modélistes » m’expliquait Liliane Gonzalez, fondatrice d’Enlaceme, le studio de styles et de tendances.
Propos corroborés par Delphine Josse, styliste que j’avais rencontrée à Toulouse en février dernier : elle crée des jolies robes noires et certains de ses modèles vont jusqu’au 46.
Encore de trop petites tailles puisque Ashley Graham porte du 48 et que dire des femmes fortes qui porte du 50, du 60 ?
Heureusement, des créateurs venus d’autres contrées (continent africain entre autres) sont venus ajouter plus de diversité et de créativité, permettant ainsi à des femmes rondes de s’habiller selon leurs envies. De plus en plus de boutique en lignes se sont ouvertes.
En effet, sur le continent africain et particulièrement en Afrique centrale, au Sénégal, au Mali, en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Cameroun, la rondeur des femmes est un atout de séduction. Plus elles sont rondes et plus elles sont appréciées. Voir la vidéo ici .
Il semblerait que ce goût des formes soit donc revenu – très légèrement – en Europe. La mondialisation y est certainement pour quelque chose comme semble l’indiquer cet article : lire ici
Ce n’est donc plus un chemin de croix que de s’habiller. Pour autant le regard des autres restent interrogatif, insistant ou perplexe : être gros ou rond est toujours synonyme de laisser aller, de saleté, que sais-je encore.
De nombreuses associations et mouvements se sont créées ces 20 dernières années, (ils sont à l’origine du mouvement Plus Size) pour aider les femmes à porter un regard plus apaisé et plus aimant sur elles-mêmes et tenter de faire changer les mentalités. En tout cas de faire cesser les discriminations.
Les femmes sont rondes restent discriminées au travail
Une femme grosse ou obèse (considérée comme telle au delà du 50 et de 110 kg pour une taille moyenne d’1 m 65) a en effet plus de difficultés à trouver un emploi, peut avoir de gros problèmes relationnels, des freins à l’avancement : elles sont 8 fois plus discriminées.
Les vidéos de mannequins grandes tailles ou rondes
Ashley Graham en maillot de bain
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Une femme ronde ou grosse peut elle être considérée comme un canon ?
Il y a encore tant à dire sur ce sujet.
Bien entendu, pour le coach que je suis, il y a les questions d’estime de soi et de confiance qu’il s’agit d’aider à restaurer. Il y a aussi les capacités d’écoute à développer pour entendre la souffrance de toutes ces femmes : nous sommes nombreuses, à des degrés divers, à subir cette contrainte et à nous interroger sur notre conformité à la norme sociale.
S’aimer, être bienveillant avec soi-même reste toujours la clé.
Marie-Pierre Medouga
Coach de vie