Vous venez de faire une séance de psycho-portraits symboliques ou vous allez en commencer une mais le catalogue des contes proposés ne vous sied pas ?
En voilà de nouveaux !
Il m’a fallu quelques mois pour décrypter la série de contes que vous allez trouver ici.
Nous commençons la série par la Cane blanche. Un conte russe dont les origines nous sont inconnues mais qui sont très anciennes.
Résumé :
Un grand-duc solitaire souhaitait se marier. Il épousa une merveilleuse princesse bonne comme le pain. Mais il dut faire un long voyage. Il intima à son épouse l’ordre de ne pas sortir du château seule et de ne pas se laisser abuser par de belles paroles. Elle lui obéit un temps puis une femme apparut à ses côtés qui la pressa, l’enjoignit de profiter de la vie et la cajola tant et tant qu’à la fin la princesse se baignât dans un lac du château. Sitôt fait, la sorcière lui prit ses effets et d’un coup de baguette magique la transforma en cane blanche. Elle prit ensuite sa place auprès du Grand-Duc à son retour.
La cane triste et solitaire pondit trois œufs ; les deux premiers canetons étaient magnifiques, le troisième efflanqué. Devenus grands, ils folâtrèrent jusqu’au château. Dès qu’ils y étaient, ils se transformaient en petits garçons malicieux qui jouaient. La sorcière les vit et les invita à dormir. Le dernier petit canard ne lui fit pas confiance. La même nuit, alors qu’elle s’apprêtait à faire cuire les enfants, il déjoua ses plans et s’enfuit tandis qu’elle endormait mortellement ses frères.
La cane blanche, qui les cherchait, les découvrit étendus morts dans la cour du château. Elle fut chassée mais revint aussitôt auprès de ses deux fils. Elle raconta avec sa voix humaine ce qui était advenu de sa vie. Le roi demanda qu’on l’attrapât : elle se percha alors sur sa main. Il invoqua la venue d’un grand hêtre blanc derrière lui et une belle femme devant lui. Son troisième fils devint le bel arbre et sa véritable femme se tint face à lui. Ils attrapèrent alors une pie, lui attachèrent deux fioles vide et lui ordonnèrent de ramener l’élixir de vie et de celui de la parole. Quand elle revint, ils en aspergèrent les deux fils et l’arbre qui reprirent vie, forme humaine et retrouvèrent la parole.
La sorcière fut punie et livrée aux corbeaux et ils vécurent longtemps heureux et tous réunis.
L’interprétation
Quelle merveilleuse histoire et en même temps complexe qui nous vient de Russie.
On y trouve des références plus lointaines aux celtes et aux nordiques et plus encore des emprunts à l’Asie ; l’Inde, la Perse et même la Chine.
On y apprend qu’il nous faut conjuguer l’animus et l’anima et qu’un déséquilibre dans la psyché n’est jamais bon. Autrement dit, nous ne devons pas nous appuyer seulement sur notre pilier masculin mais qu’il nous faut aussi trouver le secret d’un bon usage de notre anima. Or, celui-ci ne se trouve pas uniquement dans un comportement fait de douceurs et une attitude contemplative. Il nous faut également l’éprouver, lui donner de la force, mettre au monde des projets, nous initier, nous confronter au mal. Et pour ce faire, la patience, la capacité à maîtriser ses forces psychiques dans leur globalité, mais aussi le lâcher-prise et la désobéissance (autrement dit la prise de risques) nous sont permises, indispensables et même essentielles.
Voilà l’enseignement de ce conte que j’ai eu tant de mal à décrypter.
Qui est cette sorcière qui prend place et s’empare de la vie de la princesse ?
C’est la mauvaise reine, les mauvais penchants, comme Janus, la princesse a deux faces…On ne sait d’où vient cette paysanne doucereuse et hypocrite mais elle est pourtant bien installée dans la place et ne cesse d’exhorter la princesse à enfreindre les règles de son seigneur.
Comme le démon de nos dessins animés… et comme dans de nombreux contes, qui sont aussi des initiations voilées, cette sorcière, qui tient autant de l’ogresse comme Baba Yaga que de l’enchanteresse et de la mort, connait les secrets de la vie.
Trop bonne, la princesse qui ne veut plaire à qu’à son Roi et se faire belle (donc avoir des couleurs) et qui ne pense pas à son destin ou ses projets…Du reste a-t-elle tort ? C’est bien au départ dans l’enceinte du château qu’elle demeure… sous la protection des dragons.
Sur le plan symbolique, imaginons-nous dans un ronronnement qui ne nous permet pas de progresser ou qui nous laisse dans un stade infantile (sans enfants) c’est-à-dire sans projets véritablement en gestation et même d’ailleurs sans que nous en soyons véritablement conscientes.
J’entends qu’il est parfois intéressant de se mettre en danger car c’est ainsi que nos projets, notre nouvelle vie ou quelque chose de meilleur va aboutir. Certes, il est douloureux de le faire et en chemin, on verse quelques larmes mais petit à petit, on en vient à trouver de nouvelles règles pour régir notre vie.
Certes, ces dernières peuvent nous mettre en danger mais c’est par elles que qu’il peut arriver ou surgir quelque chose de nouveau.
La voilà cane blanche, animal qui peut voyager dans les 3 éléments : la terre, l’eau et le ciel, autrement qui navigue entre l’inconscient et le conscient pour nourrir la psyché et faire progresser les choses.
La princesse donc aurait un soi malfaisant et un autre qui serait bon… Comment concilier ses deux faces d’une même pièce ? D’un côté proche de la terre, paysanne, de l’autre noble… D’un côté méchante et détentrice de la vie et de la mort, de l’autre voyageuse dans l’inconscient et mère potentielle… C’est aussi l’opposition entre Eve/Lilith, la femme et la sorcière….
Derrière le voile du conte russe, on retrouve des traces anciennes.
La déesse Mère terrible et toute puissante…
Celle qui a pris la place auprès du roi a une face démoniaque et sombre. Pourtant, cela va forcer la petite cane à voyager et mettre au monde ses créations. Les créations sont des idées, des projets, des réalisations.
Enfanter des idées et des réalisations, être créatrice !
Comment se portent ses projets ?
Deux sont très beaux et insouciants, sûrs d’eux, curieux, impétueux même et un autre petit, efflanqué ; malingre qu’il faut réchauffer et surveiller.
Comme dans la vie, 3 est un chiffre magique, ayant une symbolique commune dans de nombreuses civilisations… (la trinité). C’est le troisième qui sauvera la famille d’une certaine manière. Le trois est le chiffre de la création, de l’unité retrouvée, …la troisième flèche désigne l’élu, l’endroit, le trésor.
C’est donc lui qu’il faut protéger et c’est lui qui veille et qui protège également. On le verra, c’est lui qui sera changé en hêtre blanc, le symbole de la patience, de la confiance et de l’ancestralité mais aussi de l’intercession avec le magique et le savoir ancien.
Les canetons deviennent de beaux canards et là les choses se gâtent :
Les trois se sentent à l’aise dans le château, y reviennent, se changent en petits garçons, s’habillent de caftans brodés. Bref…. ils sont chez eux dans la majesté et la royauté : ce sont des princes.
Les deux premiers deviennent trop confiants même sous la protection des dragons de leur père. Et s’endorment sitôt posés la tête sur l’oreiller. Comme dans de nombreux contes, on cherche à les endormir et ils sont ensorcelés.
Autrement dit, les projets (de belles idées ou réalisations) sont sur les rails, bien menés mais peut-être avec un peu trop d’impétuosité et avec un peu trop d’ambitions : pour le coup, en dépit de conseils et des soins de leur fondatrice, ils vont mal finir… et vont être proprement ensevelis, oubliés, ignorés ou subir des ratages successifs .
La confiance doit être mesurée : un excès de confiance et c’est la mort ou le gel des créations qui tombent entre des mains malintentionnées.
Au contraire, la vigilance, la prudence et même la fuite sont parfois de mise pour sauver ses créations… C’est le cas du dernier projet qui tente de sauver tous les autres…
Il est petit, malingre, il faut le réchauffer : il a souvent froid, il a besoin de soins patients. Moyennant quoi, il est hyper vigilant, il prendra la fuite, ce qui lui évitera la mort.
Voilà le cœur de la mère qui se serre et qui s’épanche. La plus dure des épreuves est en route : la mort de ce qu’elle a mis au monde. Tant de soins, tant de privations, tant de difficultés pour faire grandir des rêves, des créations, pour si peu de résultats…
Ces mots résonnent dans le psychisme. Combien de fois ne nous sommes-nous pas bercées d’illusions et avons-nous perdus où laisser dormir des projets ou avons-nous subi des échecs par excès de confiance… Pourtant nous y avions mis toutes nos ressources ?
Ce que nous conseille le conte c’est de pleurer à chaudes larmes sur cette perte et non pas de nous taire. Car notre psyché va nous entendre et va nous permettre de guérir de ce mal et cette tristesse.
Oui pleurer sur nous-même est sain. Car cela attire l’attention de notre psyché tout entière qui va se mobiliser et rassembler toutes nos ressources psychiques pour nous aider.
Voilà donc le moment où notre psyché (le Grand-Duc) s’interroge sur la perte et la disparition de nos créations, qu’elle les recherche activement, qu’elle veut remettre de l’ordre là où règnent le manque, la tristesse, la douleur…
Pour ce faire, il fait un souhait (lui aussi a des dons) et convoque l’arbre magique (le Hêtre) et sa femme (la créativité).
Juste le temps pour nous de comprendre que la dernière création est en droite file issue du savoir ancien. Cette connaissance et cette vigilance lui venaient donc de très loin, des fées plus précisément…
L’outil magique est la pie qui connait tous les secrets de la vie, de la mort et de la parole. Elle sait où chercher pour redonner vie au projets et créations les fous même s’ils paraissent définitivement endormis. Il suffit de lui demander et de lui faire confiance. Elle reviendra !
La présence de la pie indique qu’il faut savoir user de ses facultés supra sensibles et empathiques, faire appel à son sixième sens et à son intuition mais qu’il ne faut ni en abuser et faire preuve de prudence. Les utiliser avec des initiés ou ses pairs. A cette condition, la prospérité et la félicité sont au bout.
De nombreux niveaux de lectures qui se superposent
On l’a vu, il y a plusieurs niveaux de lecture de ce conte bien plus complexe qu’il n’y parait.
C’est qu’il recouvre sous ses oripeaux russes, plusieurs strates de civilisations.
1. de l’excès de confiance , tu te garderas !
Le premier niveau nous enseigne qu’il ne faut pas (jamais ?) se fier aux apparences. La sagesse populaire disait : « trop douce et aimable pour être honnête ! » L’excès de confiance est donc sévèrement puni et il faut se méfier dans son entourage de ceux qui par envie et jalousie iront jusqu’à détruire notre vie. La princesse ne devra son salut finalement qu’à la mort de ses fils (de ses projets donc) et aux agissements du benjamin (une idée farfelue ou une réalisation apparemment insignifiante) . Accessoirement, c’est l’alliance du masculin et du féminin qui permettent de sauver les enfants et de leur redonner forme humaine. Autrement dit, deux précautions valent mieux qu’une : allier la force à l’intuition ne peut jamais nuire bien au contraire.
2. l’évolution psychique et la progression est la clé !
Dans le second niveau, il y a l’idée qu’on ne peut rester à un seul stade d’évolution et ne pas en bouger. Un jour ou l’autre, il faut progresser, se transformer, aller de l’avant. Et cela passe par la transgression et le dépassement des limites que l’on s’est préalablement définies. Il nous faut nous mouvoir dans l’autre monde pour pouvoir y ramener des idées nouvelles et les mettre en pratique dans notre vie consciente. Il faut aussi savoir s’aimer soi-même et être compatissant envers soi-même ET parler pour retrouver une partie de son humanité.
3. Aimons chaque partie de nous-même, ombre ou lumière pour accéder à la sagesse
Dans le troisième niveau, il est question de la dualité dans les archétypes féminins, dualité indispensable au surgissement du cosmos (qui signifie ordre). La sorcière/sœur/rivale c’est l’ombre. Notre ombre et nous devons triompher d’elle en en connaissant tous les contours. Nous la canalisons mais nous avons besoin d’elle. Car c’est grâce à elle que nous avons accès à notre archétype le plus ancien : la femme sauvage. Nous avons en nous un savoir ancestral auquel nous pouvons accéder par les savoirs anciens : il nous suffit de retrouver les lettres anciennes (l’Hêtre) et de demander au messager de nous entendre et de nous épauler. Le savoir ancien n’est pas mort, il est endormi et certaines personnes empathiques, sensibles, peuvent nous connecter à ce savoir pourvu que nous sachions nous transcender.
Comment utiliser ce conte la cane blanche pour un meilleur équilibre
Le conte nous indique à quelles conditions il nous est permis d’outrepasser les règles ou de dépasser nos propres limites afin que notre psyché rétablisse un meilleur équilibre et transforme notre vie.
Quand l‘anima est incomplète, alors le Soi ne l’est pas non plus. Cela signifie que l’anima n’est pas assez vigoureuse pour nous permettre d’explorer, de comprendre, de ressentir, d’utiliser certains savoirs ancestraux.
Pour ce faire, il faut explorer nos faces sombres afin de mieux pouvoir les accepter, les canaliser puis contrer au besoin. C’est grâce à cette initiation que nos réalisations vont pouvoir éclore.
Rencontrer la partie sombre (et démoniaque ?) de nous-même. Nous confronter aussi à nos propres abus contre nous-même. Nous ne voulons pas toujours notre propre bonheur…. En dépit des meilleures intentions du monde… Le but n’est pas toujours de nous grandir mais d’éviter nos obligations. Diable…Ainsi sous couvert de nouvelles règles, il s’agirait en réalité de ne pas être active, responsable… acteur/actrice de sa propre vie ?
Il nous faut donc emprunter un nouveau comportement qui nous permettent de naviguer dans les différentes couches de notre inconscient.
Il y a différents niveaux dans notre conscience. Certains peuvent paraître flamboyants, vigoureux et pourtant se faner puis mourir très rapidement. D’autres qui semblent insignifiants ont au contraire une importance extrême. Ils sont vigilants, inquiets mais sont connectés au savoir ancien. Il faut donc les chérir car ils seront la clé de notre bien-être.
Au final, chacun de ses aspects doivent être aimés, chéris, pardonnés car ils sont des parties de nous-mêmes. Ce conte est aussi une leçon d’acceptation de soi.
Si nous faisons cela et nous nous autorisons à pleurer sur nous-même et sur nos rêves et créations perdus, alors nous pouvons restaurer notre psyché et grandir. Il nous suffit de croire en nous et d’aller puiser dans notre savoir ancestral : la résilience, la croyance en notre propre capacité, la bonne parole pour communiquer.
Les outils psychiques
Dépassement de ses propres limites, pouvoir créateur, patience, construction et idéalisation, vigilance, compassion et estime de soi, résilience et croyance en notre propre puissance, acceptation de soi, … Voilà les ingrédients de notre transformation réussie.
C’est un conte idéal pour les entrepreneurs ou les adeptes du développement personnel. C’est un chemin de vie. C’est aussi un conte qui nous renseigne sur tous les outils psychiques en notre possession pour nous transformer.
Vous voulez en savoir davantage ? Connaître les différents symboles qui ont servi à l’interprétation ? Utiliser le conte dans des séances de coaching ? Contactez-moi !
Marie-Pierre Medouga
Coach de vie
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